Transsibérien Page 4

Le samovar
Le wagon de seconde classe que nous occupions, appelé en russe « coupé », se compose de neuf compartiments voyageurs de quatre couchettes, un compartiment pour les responsables de wagon (en général deux personnes, des femmes le plus souvent) et de toilettes à chaque bout. A l’extrémité du wagon, face à la porte du compartiment des responsables, se trouve le samovar, un dispositif compliqué composé d’une cuve d’une centaine de litres, raccordée à un nombre impressionnant de tuyaux et d’où émerge un petit robinet à levier de commande en bois, où l’on peut remplir sa tasse d’eau potable chaude à tout moment. On en fait du thé ou du café, le goût de l’eau nature n’ayant pas grand’chose à voir avec celui de la Vittel!
Le compartiment comprend quatre couchettes en moleskine, sur lesquelles sont posés des « matelas » en matériau mou indéterminé de cinq centimètres d’épaisseur environ, qui reçoivent les draps et la couverture. Celle-ci, très chaude, n’a qu’un inconvénient : elle est saturée de poussière et il faut des prodiges de doigté pour s’en couvrir sans se retrouver au milieu d’un nuage asphyxiant. Une minuscule échelle repliable contre la cloison est censée permettre l’accès facile à la couchette supérieure. On s’y prendrait facilement les pieds ; j’ai préféré utiliser la méthode des singes et monter et descendre par la force des bras. Un haut-parleur de mauvaise qualité diffuse un programme sur lequel le voyageur n’a d’autre contrôle que de pouvoir l’éteindre. Par chance, nos compagnons furent très compréhensifs et acceptèrent le plus souvent de partager notre silence. Il est interdit de fumer dans le train ; les fumeurs invétérés ne peuvent céder à leur vice que sur les petites plates-formes d’extrémité des wagons. Le train est climatisé et une condition nécessaire (mais pas suffisante !) d’un fonctionnement correct de la climatisation est la fermeture complète de toutes les fenêtres. A la date de notre voyage, cela nous a fait plutôt souffrir : l’air extérieur était à peu près à la même température que l’intérieur et, bien sûr, beaucoup plus pur. Les Italiens ont obtenu un assouplissement intermittent de la règle sous prétexte de prendre des photos, la vitre étant sale, mais jamais pour très longtemps.