Voyage en Russie du Nord
Petrozavodsk

 
La ville d'Olonets, qui s'appellera plus tard Petrozavodsk, devient le chef lieu administratif de la région d'Olonets. La guerre entre la Russie et la Suède (1700-1721) est le point de départ de la construction des fonderies d'Olonets. C'est Ivan Patrouchev, mandaté par Pierre le Grand, qui est chargé de trouver l'emplacement idéal pour ces usines. Le choix s'arrête sur le secteur délimité par les rivières Lossossinitsa et Neglinka qui fourniront l'énergie nécessaire aux usines, et le sous-sol la matière première. La construction débute en août 1703 par le bâtiment principal des usines Petrovski, la direction du chantier est confiée à Alexandre Menchikov. Les premiers fours sont mis à feu en décembre et le premier canon fondu un mois plus tard. La partie technique est supervisée par le métallurgiste Yakov Vlassov.
Fin 1704, une centaine de forgerons de Moscou sont envoyés aux usines Pétrovski, d'autres arrivent d'un peu partout (Toula, Sousdal, etc). La production de canons, boulets, bombes, armes à feu et armes blanches va équiper les armées russes. On fabrique également des instruments de chirurgie.
Simultanément aux bâtiments des usines naquit une agglomération qui reçut le nom de faubourg des usines de Pierre : Petrozavoskaïa Sloboda. La ville de Petrozavodsk était créée, dont on a d'ailleurs célébré le tricentenaire en même temps que celui de la ville de Saint-Pétersbourg. Font également partie des nouvelles constructions l'église St Pierre et Paul ainsi qu'une forteresse en rondins dont la tour d'accès était dotée d'une horloge.
Les bâtisseurs et les ouvriers sont installés sur la rive droite de la Lossosinka (nom abrégé de Lossossinitsa) et sur la rive gauche, mieux située, les dirigeants des usines. Treize ans après sa fondation, Pétrozavodsk compte 3000 personnes et en 1716 on ouvre la première école technique de Russie.
En 1714 on découvre une source d'eau minérale aux vertus curatives. Pierre le Grand, venu en cure à plusieurs reprises, y fait ouvrir la première station thermale de Russie.

Avec la fin de la guerre du Nord, les usines Pétrovski se reconvertissent dans la production de conduites de jet d'eau, fil de fer, ancres de marines mais n'étant plus d'une nécessité vitale, elles seront fermées en 1734. Seule une usine de porcelaine appartenant à des fabricants français fonctionnera de 1760 à 1770. Pendant des décennies Petrozavodsk n'aura plus de chantier important. C'est l'époque où éclate une émeute de paysans, dont Pétrozavodsk est le théâtre du châtiment public des insurgés en janvier 1772. Il faut attendre une nouvelle guerre, la guerre russo-turque (1768-1774) pour que soient relancées les fabrications métallurgiques du faubourg Pétrovski, aux usines Alexandrovski, en 1772. Huit immeubles en pierre, destinés aux bureaux des usines, sont construits en 1774. Contrairement aux constructions en bois dont la durée de vie était de 50 ans environs, ces bâtiments sont encore visibles de nos jours. Le 21 mars 1777, une décision impériale transforme le Faubourg Petrovski en chef lieu de District, c'est la ville de Petrozavodsk, qui restera pendant des décennies une simple cité ouvrière (population en 1770 : 4000 âmes et 350 maisons en bois).

En 1784 est formé le premier gouvernement d'Olonets. Petrozavodsk devient le chef lieu administratif, social et culturel, dont le premier gouverneur est le poète russe du 18e siècle Gavril Derjavine (les armoiries : trois marteaux en signe d'abondance sur écu bandé d'or et de vert, datent de cette époque). Mais malgré les quelques constructions en maçonnerie qui font leur apparition, la ville de Petrozavodsk végète. Ce n'est qu'en 1862 que s'ouvre la première ligne fluviale Petrozavodsk-St Petersbourg navigable pendant cinq mois de l'année. Au début du 20e siècle, Petrozavodsk compte 12000 habitants. Outre les usines Alexandrovski, il y a 4 scieries et une fabrique d'allumettes. Les rues sont encore en terre battue. Fin janvier 1916, le trafic s'ouvre entre Petrozavodsk et Volkhov, et en novembre de la même année avec Mourmansk.

Dans les années 20, les usines Alexandrovski, rebaptisées Onejski, lancent la production d'engins de chantiers. En 1931 s'ouvre une école normale. En 1940 la ville compte 28 écoles secondaires et primaires, des collèges techniques, un centre d'apprentissage et une université. La formation de tous les cadres y est assurée.
La vie culturelle débute au commencement du 19e siècle avec la création d'un théâtre d'amateurs. En 1808 l'école municipale est remplacée par un lycée, c'est le premier établissement d'enseignement secondaire de Carélie. Le linguiste finlandais Elias Lönnrot séjourne à Pétrazavodsk en 1841, avant cette date il effectue plusieurs voyages en Carélie où il rencontre le barde Arhippa Perthunen âgé de 80 ans, capable de réciter par cœur près de 600 runots (légendes et chansons). Il publie un livre dont la base est le matériel folklorique connu sous le nom de Kelavala (c'est le nom que les personnages légendaires donnent à leur vieille terre) et qui relate les exploits des héros populaires. Pendant la guerre de 39-45, la plupart des équipements industriels, systèmes de communication, usines électriques, barrages, hôpitaux et écoles sont anéantis. D'autres bâtiments sont incendiés parmi lesquels bibliothèques, théâtres, musée éthnographique, etc.

Reconstruite, la ville possède aujourd'hui trois théâtres, onze clubs, des dizaines de bibliothèques, des cinémas, des unions professionnelles d'écrivains, d'artistes, de musiciens, un orchestre symphonique et un ensemble de chants et danses nationaux connu sous le nom de " kantele ", une philharmonie et une école de musique. La ville compte quelques personnages célèbres tels que Constantin Eremeïev qui prit part à la révolution russe de 1917. De nos jours, Petrozavodsk, devenue en 1923 la capitale de la République Socialiste Soviétique autonome de Carélie, connaît un véritable essor : industrie forestière, traitement du bois, constructions mécaniques, et devient progressivement un centre économique, politique et culturel. Le vieux Petrozavodsk en bois a laissé la place aux immeubles de plusieurs étages en maçonnerie. Il a gardé son plus bel ornement : la statue de Pierre le Grand. On a tracé de nouveaux squares et parcs, les rues sont plantées d'arbres. Les transports en commun se développent. La Petrozavodsk moderne s'est établie en face du lac Onéga, elle est entourée sur les trois autres côtés par la forêt. C'est une ville en forme de fer à cheval, avec des quais le long du lac Onéga longs de plusieurs kilomètres, et un centre encadré par les deux rivières Lossossinka et Neglinka. Le climat est modérément humide (650 à 750 mm de précipitations par an). L'hiver, la couche de neige persiste pendant six mois, de la mi-octobre à la mi-avril. Pendant environ quatre mois, la température ne dépasse pas -5° C ; elle atteint +16° C en juillet, cœur d'une saison d'à peine trois mois et demi ; en juin, la clarté du jour se prolonge pendant 20 h.

Francesca Maine